Emission RCF « Amour, toujours… » par Anne-Marie Bernis

1 juin, 2022
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Amour, toujours

Bonjour,

« Unis pour le meilleur et pour le pire », c’est bien la formule lapidaire adressée aux couples qui se marient, n’est-ce-pas ?

Voilà un engagement qui ne rigole pas, et j’y pensais récemment en voyant arriver certains de nos Amis malades d’Alzheimer dans le grand foyer d’Herminis.

Bras dessus, bras dessous ou main dans la main, quand ils passent le seuil, les bénévoles voient dans ces couples âgés, je dirais ces binômes, tant ils sont unis dans leur complémentarité,  ils voient l’illustration de cet engagement qui a conditionné leur vie, dans le meilleur, comme dans le pire.

Au moment où l’un des deux plonge, sans trop prévenir, dans un état de faiblesse physique et psychique, s’impose à leurs yeux l’heure du bilan : avons nous été heureux, malheureux ? Quand ? Hier, avant hier, avant… ? et aujourd’hui ? Sommes nous heureux, malheureux ?

Toutes les précautions, les gestes bienveillants des proches qui accompagnent nos Amis malades d’Alzheimer ou avec des déficiences cognitives , témoignent d’un amour patient, qui dure, qui supporte, qui endure, qui ne se lasse pas malgré les douloureuse et nouvelles exigences de la maladie.

Ne pensez vous pas d’ailleurs que cet amour peut se renforcer dans cette dépendance qui les unit, qui les soude ?

Ils sont tellement émouvants ces vieux couples qui ne peuvent se passer l’un de l’autre et s’accompagnent, par la force des habitudes autant que par la nécessité engendrée par la maladie, ou tout simplement liés par l’amour.

Me revient en mémoire cette belle phrase de Joseph Templier : « Accompagner quelqu’un, c’est se placer ni devant, ni derrière, ni à la place. Accompagner, c’est être à côté ».

Et voilà, côte à côte, souvent cahin caha, nous arrivent nos chers Amis pour mettre de côté les agacements, les impatiences d’une matinée la plupart du temps compliquée.

D’accompagnement en accompagnement, le malade vient redécouvrir les activités pratiquées 15 jours auparavant à Herminis, et retrouver le plaisir simple d’attraper et de relancer un ballon, les sensations d’un corps engourdi stimulé par la gym douce, « en toute convivialité » comme aime le souligner l’un d’eux, finir par un goûter joyeux en fredonnant des chansons connues de tous.

Toujours soutenir et varier les activités, animer des conversations pour réveiller les neurones paresseux, c’est le souci des bénévoles pour ne pas que s’installe la petite mélancolie qui fait réclamer d’une voix inquiète l’époux ou l’épouse qui reviendra à 17 heures.

Si l’absence vient tracasser notre Ami malade, tout est bon pour le rassurer et le mettre en confiance avec des paroles amicales qui font diversion.

Les bénévoles mesurent le plaisir mêlé de soulagement de l’aidant, libéré pour quelques heures de son accompagnement si prenant et pesant, même s’il est librement consenti.

Il trouvera à son retour dans la grande salle l’être aimé, de bonne humeur, resocialisé et assez fatigué pour entamer une soirée paisible.

Je ne sais pas pourquoi j’ai à l’esprit la toute récente cérémonie de canonisation de Charles de Foucault, reconnu saint par l’Eglise.

Le père de Foucault fascine par la radicalité d’une conversion qui l’a fait renoncer à tous les plaisirs de la terre, par son courage et son abnégation, l’oubli de soi et la persévérance d’une vie donnée.

Je m’égare, direz-vous … mais en invoquant Saint Charles de Foucault, je discerne son chemin de sainteté et les étapes pour y arriver, de vénérable à bienheureux, de bienheureux jusqu’à saint.

Et j’ai l’audace, oui, l’audace d’entrevoir dans le chemin de vie des aidants un certain chemin de sainteté, discret et jalonné d’efforts, de renoncements et d’acceptations, d’oubli de soi, un chemin de sainteté balisé de petits miracles répétés que sont les échanges tendres, la confiance et l’espérance contre toute espérance.

Un chemin d’amour, tout simplement.