Emission RCF « La toilette » par Anne-Marie Bernis

La Toilette

Bonjour,

Je suppose que ce matin, comme d’habitude, vous avez fait votre toilette !

Drôle de préambule, me direz-vous. Mais, ce matin justement, face à mon miroir, je pensais à nos mais malades d’Alzheimer pour qui la toilette est une épreuve, un drame intime. La maladie, dans un lent processus de désapprentissage, a rendu étrangers et inquiétants les gestes si naturels du déshabillage, du savonnage, du rinçage et de l’essuyage.

Tant que la personne malade n’a pas besoin d’aide, car son proche ou l’auxiliaire de vie lui a indiqué le lieu, a préparé les serviettes, réglé la température de l’eau et reste présent, à petite distance, tout va bien.

Un jour arrivent le refus de soin, une résistance farouche et souvent agressive !

Quand la pathologie avance, le corps et les vêtements deviennent un territoire sacré, dont il faut approcher avec précaution, et tout devient un obstacle : le miroir d’abord : « Je ne peux me déshabiller devant tous ces gens » dit le malade devant son reflet dans la glace qu’il ne reconnaît pas ni celui de la personne venue pour l’aider. Masquer le miroir par un tissu supprime le problème, et le déshabillage peut commencer.

Colette Roumanoff nous décrit une toilette réussie avec son mari, Daniel, très nerveux un matin dans la salle de bain.

Ecoutons la : « Il faut enlever ta montre, elle n’aime pas l’eau, et la poser là, à côté de tes lunettes ; maintenant tu enlèves le haut du pyjama ».

Je l’aide et j’accroche tout de suite le haut du pyjama à une patère, sinon il peut être tenté de le remettre.

« Maintenant, tu enlèves le bas du pyjama. Tu es assez grand pour le faire tout seul, là, comme çà, tu le fais glisser ».

c’est le moment le plus délicat. Donc j’improvise : « Et si on chantait à la claire fontaine, j’ai trouvé la douche si belle !

Mais non dit-il, j’ai trouvé l’eau si belle. »

J’ouvre la porte de la douche et je dis : « Sa majesté est attendue » ou n’importe quoi d’autre pour l’inviter à entrer, et je lui demande : « est-ce-que l’eau est bonne ? »

Et, s’il la trouve trop froide ou trop chaude, j’ajuste.

Je passe sous l’eau bien chaude du lavabo un gant avant d’y verser du gel douche pour éviter le cri causé par le contact du liquide visqueux et froid.

Je lui propose de se tourner.

Et ainsi, se déroule avec le maximum de précautions, notamment le shampoing pour bébé, qui ne pique pas les yeux, cette épreuve de la toilette, traversée par étapes jusqu’à l’habillage, dans la patience et la bienveillance , que nous raconte Colette Roumanoff.

Quand on est perdu dans l’océan du temps, ajoute-t-elle, et qu’on ne maitrise pas la succession des étapes, on ne sait pas, si une fois qu’on est déshabillé, on pourra s’habiller à nouveau, si une fois qu’on est mouillé, on pourra se sécher un jour.

Accompagner le patient dans la toilette, c’est le rassurer sur le chaud, le froid, le mouillé, le sec, pour qu’il puisse retrouver  le plaisir d’être bien dans son corps.

Et moi, je pense à tous nos amis malades placés par obligation dans les EHPAD, qui ne bénéficient pas de ces attentions qui demandent tant de temps et de présence.

Le personnel, bien que formé et habitué, n’a pas le temps matériel, ni ne peut être la patience d’accorder à chaque bénéficiaire cette assistance totale pendant la toilette .

Souhaitons qu’un nouveau regard sur les besoins de nos amis malades d’Alzheimer ouvre de nouvelles négociations pour augmenter et former le personnel qui leur est dédié.